Que peut-on retenir du management Moderne ?
Tout d’abord un peu d’histoire pour resituer le contexte
Le taylorisme :
- Constat : comment obliger des salariés à travailler en fonction des valeurs et des intérêts de l’employeur (quels que soient les intérêts et les valeurs du salarié) afin d’éviter la « flânerie systématique » des salariés et augmenter la productivité.
À la fin du 19° siècle l’employeur tentait de baisser le salaire quand le rendement baissait, mais le salarié en faisait encore moins et ça ne fonctionnait pas
- Solution : L’organisation scientifique du travail : grâce à la science, décortiquer les métiers en taches élémentaires puis imposer aux salariés chaque tache : la méthode dépouille les ouvriers de leurs connaissances de leur métier pour que l’employeur s’en empare, et donner ainsi le savoir du métier à la direction, au management autour de l’employeur. Les salariés deviennent alors des exécutants.
Avec un discours sur l’idéologie de l’intérêt de tous, les salariés, l’employeur et de la nation.
- Résultat : Cela augmente la productivité.
L’ouvrier gagne plus d’argent, l’employeur s’enrichit et la nation aussi.
Mais cette solution est aliénante pour les salariés qui sont complètement soumis au bon vouloir de l’employeur.
Le fordisme :
Chez Ford, il y avait un turnover de 70% tellement la cadence était infernale. Mais Henry Ford a eu l’idée d’augmenter le salaire jusqu’à ce que les salariés estiment que le jeu en vaille la chandelle : augmentation de 150% des salaires.
Les salariés dans ces conditions démissionnent moins et « semblent contents », mais une maladie non identifiée jusque-là dite la « fordite » est apparue : anxiété, troubles du sommeil, maux d’estomac, l’épuisement (Le stress, la souffrance au travail a pris le pas sur l’épanouissement et l’accomplissement de soi au travail).
Ford est allé très loin dans sa logique paternaliste :
- Ford faisait contrôler la vie privée de ses salariés pour vérifier que les salariés avaient une vie saine, est-ce qu’ils étaient bien nourris, est-ce que leur logement était bien entretenu, pour être efficace ensuite au travail.
- Ford proposait des menus types pour bien manger.
- Ford payait davantage les salariés (des hommes bien sûr à l’époque) mariés car leur femme surveillerait qu’ils ne traineraient pas dans les bars.
- Les inspecteurs de Ford apprenaient aux épouses à faire des économies pour pouvoir à terme acheter une automobile Ford.
Mais il faut un discours idéologique global fort au niveau de la nation pour que les salariés acceptent ces méthodes.
Ford a été pressenti pour avoir le prix Nobel de la paix, tellement son modèle économique était efficace et enrichissait les états unis (malgré l’aliénation des salariés). Mais il ne l’a pas eu car malheureusement pour lui il admirait le 3° Reich.
Chaque modèle managérial repose sur 2 piliers :
- Une pensée organisationnelle du travail
- Une idéologie et un enrôlement de la société en général pour faire accepter les sacrifices à consentir pour le travail.
Le management moderne :
En France dans les années 60 le Taylorisme et le Fordisme ont été fortement rejetés par les ouvriers avec 3 semaines d’occupations des usines. Rejet de l’autoritarisme.
Le général De Gaulle avait même envisagé faire appel à l’armée pour mettre fin à cette grève.
Le patronat français a alors inventé le modèle managérial contemporain :
- Individuation systématique de la gestion des salariés et de l’organisation de leur travail : l’atomisation des salariés
Le but est d’inverser le rapport de force : éviter que les salariés se regroupent entre eux, casser le collectif. Mais il faut légitimer cette individualisation : « on vous a compris, on va reconnaître votre travail à chacun ! ».
Il faut que ça apparaisse comme un intérêt pour le salarié (et éluder l’intérêt de l’employeur), par exemple :
- Les horaires variables : présentés comme étant plus souples pour le salarié (mais qui séparent les salariés, effrite la vie collective, gêne la distribution des tracts d’informations collectives).
- La rotation des taches : présentée pour accroitre les compétences (mais qui séparent les salariés, effrite la vie collective, le salarié change de collègues).
- L’individualisation des primes : présentée comme la reconnaissance du travail au mérite (mais les salariés sont mis en concurrence) è chacun pour soi, individualismeL’entretien individuel pour individualiser les objectifs, évaluation individuelle, évaluation des collègues (évaluation 360°) …. Exemples d’objectifs grotesques pour mettre la personne sous tension et en positon de vulnérabilité (loin d’être SMART Spécifique Mesurable Acceptable Réaliste Temporellement défini): « Rendre l’impossible possible », « Étonnez-nous ».
- Au-delà de l’évaluation du travail, on va évaluer désormais des aspects psychologiques de la personne (personnalité, savoir être, caractéristique intime de la personne…) : ce n’est plus le travail qui est évalué mais le travailleur dans son être intime.
- Le patronat ne peut plus centraliser la découpe du travail en tache de façon scientifique, car les salariés n’en veulent plus. Ils ne veulent plus être de simples exécutants.
Idée du patronat français: demander à chaque salarié de veiller à être le plus efficace possible vis-à-vis des critères de son employeur.
L’employeur demande au salarié de s’appliquer à lui-même la pensée taylorienne : L’employeur exige du salarié de se tayloriser, ainsi le salarié ne peut pas reprocher à l’employeur de lui donner des taches trop simples à exécuter. Mais pour arriver à ce management moderne il faut :
- Convaincre le salarié que c’est la seule et unique solution pour avoir la plus forte productivité possible (laisser penser que la survie de l’entreprise repose sur les épaules du salarié).
- Une démarche pour créer du consensus dans l’entreprise et créer une communauté d’intérêts : la culture de l’entreprise, la mission de l’entreprise…
- En haut il y a le client et dessous il y a au même niveau les managers et les collaborateurs pour convaincre qu’on rame tous dans le même sens.Définir une morale du travail, une éthique du travail (flexible, disponible, loyal, celui qui accepte de se remettre en question et prendre des risques, sortir de sa zone de confort…)
- Il faut montrer qu’on a les qualités pour être digne de l’entreprise…Stimulation de la dimension narcissique de chacun : nous allons vous faire grandir, vous allez être meilleur …
- Transformation des ressources humaines : on va s’occuper de la santé du salarié, de son bien-être, on va le masser, on va lui donner des conciergeries …comme le Fordisme (mais on essaie de soigner les maux que l’organisation de travail elle-même-créé…).
Comment obliger les salariés à suivre les procédures et les protocoles de l’entreprise : il faut les déposséder de leur savoir et de leur expérience (logique taylorienne):
Pour que les salariés de se n’opposent pas, ne contestent pas, n’imposent pas un autre point de vue sur leur travail, n’imposent pas des valeurs professionnelles autres que celles de l’employeur :
- Changement perpétuel, pour rendre obsolète les savoirs et l’expérience et les métiers des salariés
- Restructuration incessantes des départements et services, recompositions multiples des métiers, changement systématiques de logiciels, mobilité imposée à tous, déménagements fréquents
But : brouiller tous les repères, perdre confiance en eux même, en leurs connaissances, en leurs expériences et en celle de leurs collègues : le salarié et remis au rang d’apprenti en permanence, et l’apprenti obéit, cela sous couvert de vouloir faire progresser les salariés (mais surtout les ramener an rang d’apprenti et être enclin à respecter les consignes imposées) - Création d’une précarité subjective car le salarié n’est plus sûr de rien
- Remise en cause de son honneur dans le travail, atteinte à la dignité, à l’estime de soi
Le management moderne est une forme de travail qui mine de l’intérieur les bons professionnels que voudraient être les français. S’en suive la surcharge de travail, les RPS (Risques PsychoSociaux), TMS (Trouble Musculo Squelettiques), accidents du travail liés au stress …
Vos témoignages sur votre vécu sont les bienvenus.